Après le onze mars, roman de Monique Douillet

Après le onze mars, roman de Monique Douillet

Critiques et premiers lecteurs

Marie Rouanet, écrivaine :

Un livre inclassable.

Vrai journal multivoix – personnelle et collective – des événements du monde, articles d’un voyageur journaliste, récit des luttes activistes et des êtres divers qu’il mêle, ouvrant une possibilité de se rejoindre sans partager les mêmes rêves. Tout cela sous-tendu par le fil directeur des nouvelles de Fukushima, celles que l’on ne trouve pas dans l’actualité.

C’est peut-être aussi une confiance dans cet internet tout neuf qui pourrait efficacement changer le monde. Utopie ? comme celle de voir débouler dans sa vie le gros lot du loto.

L’auteure nous mène au centre d’un monde ; on va on vient, on tourne, on retourne, on sourit, on rit, on tremble aussi à l’avancée souterraine, donc incontrôlable de la catastrophe atomique. On s’émeut devant tous ces gens qui opposent à tant de menaces leur rectitude fidèle. Comme ils sont fragiles…

Merci de cette somme, merci de faire espérer.

Viendra-t-il un jour où l’on pourra étendre paisiblement son linge sans avoir à penser que l’air lui-même est pourri ? »

 

Charles L. Grenoble :

Quelque chose d'autre que ce que Lacan nous dit du désir.

 

« Après le Onze mars » dont je lis chaque soir un passage avant de m'endormir recèle une mine d’observations d’une acuité toute féminine. Je ne suis pourtant pas porté sur les romans mais celui-ci me détend et me mène doucement à aller retrouver, par-delà l'imaginaire, quelque chose de la richesse du réel.

À la page 151, il s'agit de Julien et Shoko, vous écrivez : "...le désir ne les a pas laissés reprendre souffle, mais le désir n'était pas le moteur. Un sentiment profond les liait." Que le désir là ne soit pas le moteur, je trouve cela très juste, parce que ce n'est pas que la pulsion ; c'est peut-être parce qu'il y a Shoko, le Japon, la sagesse bouddhique ou que sais-je, quelque chose d'autre que ce que Lacan nous dit du désir.

Autre chose aussi me fait trouver la lecture de ce roman à la fois légère et attachante : il y a un fil qui circule mais ce n'est pas celui d'un thriller : un sujet grave y est présent, celui en ce moment du Japon, un pays grand comme la France et l'Allemagne réunies et qui fait 3000 km du nord au sud. Il y est question au passage de la solidarité du sud avec le nord depuis la catastrophe du 11 mars, ce dont nous ferions bien, nous autres, de nous inspirer.

Vous remettez aussi à leur place, comme ça en passant sur "la toile" à propos de la Tunisie et de la Libye (écrite Lybie p.135), des idées trop simples véhiculées par une idéologie islamiste, d'où en France une islamophobie.

Vous abordez à propos du rêve et de la télépathie la question de notre rapport à l'invisible, et pas seulement celui de la science.

Vous retracez avec justesse le récit d'incestes, celui du père, celui d'un "thérapeute", celui à un certain moment d'un nécessaire dédoublement ou plutôt d'une mise à distance.

Et puis il y a cette musique des mots prêtée à Shoko : sa manière de prononcer le "Jœu" mouillé d'une jubilation contenue, suivie de "lien", un lien léger, suspendu, qu'il se répète avec gourmandise, lui, Julien ; et nous aussi, ô combien !

Je ne suis bien sûr pas insensible aux allers-retours par la Croix-Rousse mon ancien quartier, juste en face des maisons de canuts avec encore leurs hauts plafonds aux solives apparentes.

Donc, voilà bien des raisons pour retourner à ma lecture et partager ce plaisir si évident et communicatif que vous avez mis à l'écrire.

 

Clémentine Jolivet, comédienne :

L'essentiel est dans l'amour qui circule entre les personnages.

« Je viens de terminer la lecture de ton livre, commencé il y a... deux jours ! J'ai été prise dedans et j'ai beaucoup, beaucoup aimé ! J'ai été tenue en haleine, j'ai appris des choses, j'ai été émue, jusqu'à la fin qui est magnifique, merci pour ce beau livre, et je te souhaite que 2014 soit pleine de beaux projets comme celui-là.

C'est la galerie de portraits dans son ensemble qui m'a le plus touchée, l'entre-deux de tous ces personnages qui fait que l'on s'attache à chacun. Il y a un immense respect de chaque personnage qui permet de suspendre tout jugement.

Ce que je trouve très beau c'est qu'il est raconté des choses très fortes, l'histoire de Shoko, le rebondissement incroyable du gain au loto (qui ne passe pas du tout comme une incongruité ou un deus ex machina déplacé, mais comme une trouvaille si improbable qu'elle n'a pas besoin de se justifier). Les lettres et récits des japonais, l'histoire d'amour incroyable en filigrane entre Julien et Shoko sont très émouvants mais jamais larmoyants. On dirait que c'est la vie qui est acceptée dans toutes ses dimensions, sans hiérarchie entre ce qui serait bon et ce qui serait dramatique. Tout est à prendre, et les idées et les opinions ne sont finalement que des idées et des opinions. L'essentiel est ailleurs. Peut-être dans l'amour qui circule entre les personnages. Il y a un petit personnage qui me touche aussi beaucoup c'est Lydia.

J'ai senti beaucoup d'humilité dans l'écriture, dans ce qui est dit. A la fin du livre c'est comme à la fin d'un belle exposition de peinture où le guide se serait effacé au profit des tableaux, tout en nous rendant visible par petites touches le plus émouvant du parcours de ces êtres d'encre et de papier. »

Une écriture raffinée pour un roman très actuel. Grâce à l'aide amicale d'Erell la narratrice, des personnages ne se connaissant que par leur pseudos sur un forum et leur goût commun pour la littérature et la philosophie se rencontrent. L'auteur renouvelle le genre de la "lettre" en utilisant les moyens modernes de communication, ce qui donne à ce roman une caractéristique "temps réel et interactive" tout à fait originale. Les amitiés et amours naissent également en "live" avec en toile de fond les évènements tragiques du Tsunami japonais et de Fukushima. La vie des personnages se construit sous nos yeux, dans ce roman d'aujourd'hui qui n'a pas encore de futur. L'auteur nous renvoie une image étonnante du Japon de l'après catastrophe. Les aller et retour des divers personnages entre le Japon et la France mettent en exergue les différences réactionnelles entre pays d'ancienne tradition et pourtant modernes. Les manières différentes d'appréhender l'évènement des asiatiques et des européens sont bien perçues. Les descriptions sont savoureuses et poétiques. Les personnages sont attachants. La sensibilité écologique de l'auteur transparaît. J'ai eu beaucoup de plaisir à le lire.

Melebe

 

4 personnages très différents se croisent et s'écrivent, par mail bien entendu. Entre une jeune retraitée tendance écologiste et bien pensante, mais tout de même prête à se remettre en question, un homme que le politiquement correct appellerait réactionnaire, en proie au chômage, un écrivain talentueux, mais au mauvais caractère, et une danseuse japonaise qui a du mal à dépasser une blessure personnelle. Et puis, en toile de fond, il y a le drame de Fukushima. L'histoire se passe sur deux ans, et se déroule lentement sous les yeux du lecteur. Pas beaucoup d'action, mais des descriptions poétiques, un amour certain de la ville de Lyon, une écriture fine et plaisante, un vocabulaire choisi. Une histoire que j'ai dégustée par petites touches, en y revenant toujours avec plaisir.

Anne 67



J'ai passé un excellent moment à faire du tourisme entre Lyon, Marseille et Arles et plus loin, au Japon, j'ai fait des découvertes. Il y a un grand pouvoir évocateur dans les descriptions, plus que des images, on suit le film de la rue, du café, des gens...

Voilà déjà de quoi se régaler, mais il y a aussi des rencontres, une correspondance qui crée des liens, avec la rapidité et la spontanéité que permettent les moyens de communication d'aujourd'hui. Bref, on navigue entre les paysages et les gens, la vie qui s'organise après une catastrophe, les gens qui se connectent et se déconnectent, qui réagissent et agissent, la vie, quoi.

Catherine S.



Il y a chez Monique Douillet l'art consommé du petit détail, un intérêt supérieur pour les choses infimes, tout au bout de son horizon, lequel varie à la vitesse de l'éclair. C'est un regard d'oiseau, vif et curieux, un regard qui dépiaute en même temps qu'il habille. C'est un regard qui a constamment faim et qui picore tout, tout, tout, pour vous le restituer jusqu'à satiété. Il y a du peintre naïf dans sa manière de raconter les choses, en n'omettant rien, car tout vaut pour être dit.

C'est un partage généreux, sans frugalité, équitable à la miette près. On n'en finit pas de se remplir la tête, et c'est bon. De menu, il n'en est point. Une suggestion tout au plus. Après le 11 mars...
Pour le dessert, on verra... après. Mais c'est déjà tout vu. N'hésitez pas. Moi, je me suis régalé.

Sybarite Geek



Une écriture concise, simple, fluide, élégante. Il y a de l’amour dans les descriptions de lieux : rues, cafés, nature, on partage les sensations et pourtant, jamais de superflu. L’auteure économise les adjectifs, les adverbes et autres fioritures. Elle sait que pour traduire la beauté il ne faut pas dire c’est beau.

Chantal B.



Ce qui est intéressant dans ce livre, c'est qu'on aime les personnages, tous différents et très attachants et qui évoluent, chacun sur sa voie et tous ensemble (bel exploit) et en même temps on apprend des quantités de faits passionnants et pas souvent écrits sur Fukushima et tout ce qui tourne autour de l'inévitable changement à venir (même si on n'a pas toujours envie de le regarder) tout cela grâce à une écriture très fluide et élégante.

Roselyne



Quête obstinée d’atomes crochus. Sur fond d'épouvantable catastrophe et d'anéantissement fatal d'humanité, Monique Douillet sait admirablement piloter son héroïne Erell, à des milliers de kilomètres de là, pour tisser des liens entre protagonistes divers, malmenés par la crise, errants, paumés parfois, mais dont le point commun "le LIVRE!" fait qu'ils parviennent après nombre de péripéties à des rencontres prometteuses où l'amour et la solidarité résonnent avec le Japon malmené. Monique signe là une superbe antidote à la destruction. Hub. Lyon

Un roman "choral", dans le sens où il est centré sur les actions et la vie de différents personnages, une description lucide mais non dénuée d'humour de différents types humains, destinées individuelles confrontées à l'Histoire qui se déroule sous nos yeux. Le style est raffiné sans être prétentieux, toujours de haut niveau, résolument moderne et contemporain. Ce roman est l’œuvre d'un vrai écrivain, je suis fier de l'avoir découvert parmi les premiers.

Monsieur BD



J'ai aimé traverser cette galerie de personnages. Il y avait quelque chose de proche et de vivant chez eux tous. C'est fort cette capacité de l'écriture à nous faire aimer chacun d'eux avec la même générosité. Il y une énergie de la langue derrière, et une inventivité surprenante dans les moyens employés pour nous faire accéder à l'intime de chacun. C'est ce pari qui est particulièrement réussi. Celui de nous mener au plus près de chacun de ses personnages qui est réussi par l'auteure. Et c'est assez bluffant. Je recommande chaudement "Après le onze Mars"; c'est un très beau texte.

Maïanne



Ebauchés au départ au fusain, les personnages prennent vie page après page, gagnent en consistance par le jeu des implications qui les relient.

Ils se détachent ou se rapprochent de la trame de fond. La catastrophe de Fukushima en arrière-plan tour à tour assombrit de doutes ou éclaire le tableau de lueurs d'espoirs. Au fur et à mesure du déroulement de l'histoire, les silhouettes dont les contours se précisent, s'animent dans leur cadre, portés par de magnifiques descriptions : Lyon, Kobe, Arles, Marseille, Kyoto, c'est un véritable voyage initiatique que l'auteur nous convie.
Le lecteur conquiert ses repèrent progressivement: Les échanges épistolaires sur l'actualité argumentés et étayés ne tombent jamais dans le piège de l'exagération qui pourrait les rendre péremptoires. Les dialogues oscillent entre gravité et humour, donnant parfois à l'humour un goût amer et à la gravité une inexplicable légèreté. Les monologues et autres introspections ouvrent les portes sur des sujets de sociétés et laissent au lecteur conquis ou dépité, jamais indifférent, le soin de les refermer. Un vrai moment de lecture grâce à une écriture sensible et maîtrisée. À découvrir d'urgence.

Gribouille



Je n’ai pas été captivé par l’enquête, à cause des échanges épistolaires entre  Erell et CDD qui ralentissent l’intrigue pour ne délivrer que des discussions politiques et philosophiques convenues.

Tout ce qui concerne la catastrophe de Fukushima me semble davantage être un manifeste, pour qu’on se souvienne, qu’un élément du récit.

Je trouve d’autre part que les différents fils narratifs se nouent mal.
Le thème le plus intéressant à mon sens est le lien entre l’auteur (Julien) et sa traductrice, Shoko qui offre une vraie matière romanesque. On aurait envie d’un développement de la belle partie donnée en épilogue. Sinon l’écriture est agréable et la description des lieux attrayante.

Frédéric



10/09/2013
0 Poster un commentaire
Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4 autres membres